HISTOIRE
Il y a deçà deux siècles environ, une petite fille naquit dans une de ces îles mystérieuses bordant les flancs de Morphis. Des cris de joies résonnent au sein de la maisonnée, dans ce pays où l’extinction guette dangereusement tout un peuple et où la naissance d’un enfant est toujours une grande nouvelle, bien que célébrée avec la réserve et le calme habituel de ces êtres. D’un premier coup d’œil, la petite fille avait l’air si fragile avec sa peau blanche et ses cheveux de neige, qu’il était difficile à croire que derrière cette frêle apparence se cachait une petite dragonne blanche. Et tandis qu’au loin résonnaient les conflits humains, la petite fille grandissait bien à l’abri dans sa patrie cachée, à apprendre les arcanes du Souffle et comprendre les mécanismes régissant les transformations. Le monde des hommes lui était parfaitement étranger ; un monde qui n’existait qu’aux travers de dessins et d’histoires racontées par les livres, les récits passés des quelques laguz ayant fait le voyage jusqu’aux contrées humaines. La petite fille aimait imaginer ces terres exotiques où il fait bon vivre ; les plaines à perte de vue ; ces autres peuples qui seraient à la fois semblables et différents du sien ; la prestance du monastère de Garreg Mach et de son archevêque. Ces récits de voyages -bien que souvent nuancés de la main même desdits aventuriers- faisaient rêver la petite fille. Curieuse comme de nombreux enfants, elle désirait alors découvrir le monde au-delà de son horizon.
La demoiselle survolait les montagnes alentours, la mer et ses eaux scintillantes, sans jamais s’aventurer trop loin. Aventurière sans peur, voilà ce en quoi elle aimait s’imaginer. Pendant de longues heures, elle cartographiait les environs depuis les cieux et avait trouvé un coéquipier en la personne de son frère. Ensemble, ils parcouraient leur monde, intrépides explorateurs en herbes, quitte à subir les remontrances de leurs parents, ni même de leurs semblables.
Une enfance insouciante.
Sois patiente, un jour, toi aussi tu pourras prendre ton envol loin d’ici pour chercher l’âme sœur… mais tu es encore trop jeune pour ces histoires, Un petit rire cristallin s’échappa d’entre les lèvres de la jeune femme, sa main caressant affectueusement la tête de son enfant, Ne grandis pas trop vite, d’accord ? Allez, on doit rentrer.
La petite laguz à la blanche écaille marchait dans l’ombre de sa mère, portant avec elle l’eau du puit vers la maison comme chaque jour. Mais un jour, l’ombre finit par s’écrouler et le bruit fracassant de deux vases brisés retentirent.
Les deux enfants regardaient le guérisseur examiner leur mère. Ils étaient là, lorsque leur père s’effondra, dévasté par la nouvelle. Il se ressaisit rapidement, du moins en apparence, avant de leur afficher un sourire rassurant.
Le laguz passa les jours suivant au chevet de sa femme, perdu entre espoir fou et dévastation.
-
Faut qu’on aille chez les humains ! Ils auront peut-être de quoi soigner Maman ! Ainsi, les deux petits laguz montèrent rapidement leur expédition désespérée. Ils s’envolèrent au-delà de leur horizon, au-delà de leurs cartes. Au bout d’heures de vols ininterrompues, ils finirent par tomber sur un campement humain. Méfiant, le grand frère indiqua de se cacher dans un premier temps tandis qu’il s’occupait du premier contact. Une rencontre catastrophique ; à peine avaient-ils aperçu le dragon qu’ils le prirent pour cible. Témoin de la scène depuis sa cachette, le sang de la dragonne blanche ne fit qu’un tour et la voilà aussitôt foncer tête baissée vers le danger et son frère. Elle se battit comme un diable pour permettre sa fuite, lui ordonnant de voler le plus vite possible malgré son aile blessée - ce qu’il fit tant bien que mal. L’éclat de ses écailles immaculées dans le ciel fut la dernière chose qu’elle vit avant d’être assommée. Quand l’enfant reprit enfin connaissance, elle était dans une cage, muselière solidement attachée et chaîne au cou. Quelques jours plus tard, elle fut embarquée de force sur un bateau malgré une défense farouche ; elle se changea en dragon, tirai sur ses liens de toutes ses forces, rugissait, se débattait avec hargne mais rien n’y fit. Avant de disparaître sous le pont, elle eut le temps d’apercevoir une dernière fois ses terres. Elles étaient loin, tellement loin…
- Pour combien vous la prenez ? Le temps d’un voyage, la gamine se retrouvait sur des terres inconnues, à ce qui lui semblait être le bout du monde. Un prix. Une poignée de main et voilà l’affaire conclue. En compagnie de ses nouveaux « propriétaires », des marchands, elle traversa la contrée de Fodlàn et partout, la petite fille dragon intriguait - ce n’était pas tous les jours qu’on voyait une laguz après tout. Ses propriétaires vendaient ses attributs au plus offrant : écailles, griffes, fioles de sang… D’aucuns prétendaient ces êtres pourvus de capacités curatives miracles et magiques hors du commun : une écaille prélevée par ici, un peu de sang recueillit par-là afin de soigner les afflictions des hommes suffisamment riches pour pouvoir s’offrir ces composants – les nobles et les mages noirs notamment.
Ses propriétaires changeaient régulièrement jusqu’à finir entre les mains d’un mage noir dans la plus pure tradition : excentrique, énigmatique, passionné et fortement intrigué par les capacités polymorphiques des laguz. L’homme était ravi ; il tenait là son oiseau rare, son nouveau sujet d’études favori. Enfermée dans le sous-sol, la gamine apeurée se remémorait avec nostalgie ses montagnes pour se redonner courage, quand elle entendit une discussion. Dans la pénombre des lieux, elle n’avait pas remarqué ces deux laguz avant d’entendre leurs commentaires : un homme pourvu d’ailes noires et une femme pourvue de grandes oreilles poilues.
Ainsi elle fit la connaissance de ses nouveaux compagnons de cellule : le corbeau et la louve. Ce furent les principales personnes avec lesquelles elle « communiqua » pendant de quelques temps. La majeure partie du temps, la gamine ne faisait qu’écouter les histoires de ses compagnons. Autant d’histoires à écouter pour oublier la peur et à rêver de ce monde devenu si froid : le corbeau décrivait avec grande précision son pays depuis les cieux, ses batailles et ses hauts-faits. Quant à la louve, elle aimait raconter ses souvenirs, évoquant son village natal avec une douce nostalgie ponctué par quelques notes de rancœurs ; de ses pérégrinations ; de sa carrière de voleuse à laquelle elle donnait une dimension épique pour rapidement aborder les circonstances de son arrivée ici-bas. La gamine écoutait attentivement, passionnée par ces récits et ce, même s’ils finissaient invariablement par radoter les mêmes choses. « On répète pour ne pas oublier. Tu verras, ça t’arrivera. Ça finit toujours par arriver. » finit par dire le corbeau, “Et puis, ça fait toujours un sujet de conversation.” Théorie qui se vérifia bientôt lorsque la demoiselle ne sut décrire avec exactitude sa terre d’origine qu’elle avait pourtant parcouru mille fois ; le nom de son frère ; les livres d’histoires qu’elle aimait tant ; le visage de son père ; l’odeur de sa mère. Quelle désagréable sensation ! C’était comme si ses souvenirs gisaient sous la surface d’un lac gelé. La demoiselle finissait souvent en pleurs, perdue et terrifiée, avant d’être réconfortée par les paroles de ses compagnons de cellule. « Ne soit pas obnubilée par ce que tu as perdu, tu vas te faire du mal, petite. », finit par dire le corbeau. La louve renchérit « Quand on sortira d’ici, on se fera tout un tas de bons souvenirs, d’accord ? Parole de louve ! »
Que serait-elle devenue sans eux ? Car la vie de sujet de test est terriblement pénible. Le mage noir aimait s’essayer à quelques essais sur elle comme sur ses compagnons, connaître ses limites, essayer de les repousser et étudier son Souffle. Il voulait comprendre, tester, voir comment reproduire ces capacités sur une armée et si non, comment contrôler et amplifier ces capacités afin d’en faire des armes redoutables. Régulièrement, l’homme psalmodiait « Ils seront bientôt là. L’ennemi est à nos portes… », comme s’il en allait de sa vie.
- Je touche au but !Au nom de la science, le mage se devait d’aller de plus en loin dans ses expériences. Était-ce pour cette raison qu’elle fut la dernière trois laguz ? Le corbeau fut le premier à disparaître, suivit de la louve quelques temps plus tard. Elle était désormais seule et terrorisée dans ce sous-sol humide.
Une semaine après la disparition de son amie louve, le maître vint la chercher, l’air victorieux – la gamine en tremblait d’avance. Il saisit le menton de la jeune fille le regard enjoué en déverrouillant ses chaînes pour l’attacher solidement à sa table d’expérimentation. Il couvre son corps de sceaux étranges. L’enfant frémit. Ouvrant son tome, l’homme commença à psalmodier d’obscurs formules d’un ton monocorde marqué d’un rythme rapide mais rigoureusement régulier. Il ne put retenir un rictus en constatant les frissons parcourir petit à petit le corps de sa chose. Cette dernière finit par s’agiter soudainement, sentant la magie parcourir ses veines mais elle ne pouvait cependant pas crier, paralysée. La douleur palpite dans sa poitrine, son sang semble bouillir dans ses veines, la respiration rapide, saccadée, sa vision trouble fixant désespérément le mage ravi. Elle va mourir, elle le sent. Quelque chose la trouble au plus profond de son âme. Elle s’agite, grogne, tire sur ses liens, se débat dans une lutte acharnée…
Puis, plus rien.
Lorsque des hommes vinrent fouiller le laboratoire, ils ne découvrirent qu’un champ de bataille. Dans un coin, reposait le corps du mage, méconnaissable, ses précieuses notes auprès de lui. Au fil de son carnet de recherche, l’on découvrait que l’homme pensait avoir touché du doigt le moyen de capturer l’essence d’un laguz pour la répartir dans plusieurs pierres en s'appuyant sur de vieux écrits oubliés. Ainsi, grâce à ces « bestipierres », les humains auraient été en mesure de pouvoir jouir des mêmes capacités que les hommes-bêtes, en théorie du moins. S’il avait réussi, le procédé aurait été dupliqué et l’armée aurait eu à disposition de nouvelles unités mobiles – terriennes et aériennes- efficaces. Hélas pour lui, tous ses sujets avaient fini par mourir ; il ne restait plus qu’elle, sa perle rare. Les notes s’arrêtaient là, et la perle en question prostrée dans un coin de la pièce, le regard vide. La gamine fut emmenée devant le mécène du mage, le Comte von Donalbain d’alors.
- C’est donc ça, le monstre ?La voilà qui avance la tête basse dans ce grand hall, perdue face à mille regards et dans ses pensées. Qu’allait-il se passer désormais ? Allait-elle mourir ? Réduite de nouveau en esclavage ? Elle secoue légèrement la tête, qu’importe au final, sa situation ne pouvait guère empirer. Elle ose lever la tête ; devant elle se trouve le Comte – un vieil homme au regard gris perçant arborant une longue barbe blanche et au visage creusé par les années- et son fils Malcom– un jeune homme à la chevelure de jais et au regard d’azur. En posant ses yeux sur elle, ce dernier sentit son cœur tiraillé ; on lui avait fait le portrait d’une bête assoiffée de sang or il n’avait devant les yeux qu’une frêle gamine au regard éteint. Tout comme son père, il ignorait tout de ces expériences; si le mage discutait de ses diverses recherches avec enthousiasme, il n'avait jamais fait mention de cette étude en particulier. Malcom avait lu les notes du mage ; chaque détail avait été méticuleusement consigné noir sur blanc dans ses carnets : son incarcération, les différentes expériences pratiqués sur les laguz, les échecs successifs, la liste des victimes utilisées, etc... Il avait également lu le rapport du capitaine de l’équipe chargée d’enquêter sur le silence suspect de leur chercheur. Il savait ce qu’elle avait fait… Il savait ce qu'elle était. Pourtant, il se retrouvait là, désemparé face à une enfant maigrichonne. Ressentait-il de la pitié ? De la peur ? De la culpabilité ? Des remords ? Le voilà assaillit de doutes. La menace d’une invasion justifiait-elle vraiment d’autoriser ce genre d’expériences barbares ? Même s'il pensait oeuvrer pour le bien commun, ces sacrifices étaient-ils vraiment justifiables? La voix sévère de son paternel le tira hors de ses pensées. Le viel homme était irrité par la présence de ce monstre, de cette laguz dégénérée; il ne savait pas vraiment quoi en faire, avant de convenir qu'il s'agissait d'une bête et les bêtes dans son genre doivent d’être enfermées. Traitée de la même manière qu’une wyvern à débourrer, elle fut muselée et enfermée à l’écart, une chaîne en guise de collier.
La pièce était sombre à l’exception d’un petit carré de lumière situé en hauteur. Encore une cellule, celle-ci était au moins plus spacieuse que la précédente et ils avaient même pris la peine de lui aménager une couche de paille.
Quelques jours plus tard, un jeune homme ouvrit la porte de sa prison ; Malcom Donalbain venait la chercher pour l’installer ailleurs, dans des quartiers bien plus agréable à l’intérieure – le fils s’était engagé auprès de son père pour prendre la gamine sous son aile. Il é
- Quel est ton nom ? - Sept. - Comment ? - Sept. Sujet sept. - Eh bien… Nous allons en trouver un bien meilleur, qu’en penses-tu ?Astraia, « fille-étoile » selon un ancien dialecte, ainsi fut le nom offert à l’enfant.
Une enfant parfaitement ignorante de son monde, ayant bien de la peine à déchiffrer la moindre écriture. Devant ses lacunes, il lui offrit une éducation scolaire. Bien vite, la gamine se révéla assoiffée de connaissances, dévorant nombre de livres sitôt la lecture maîtrisée. Le temps perdu à être trimbalée de foire en foire, jusqu’à finir isolée dans cette cave, l’avait privé de bien d’enseignements ; il fallait bien qu’elle se rattrape ! Quant à son élocution pour le moins rudimentaire, elle était principalement composée de grognements en guise de mots. A force d’être considérée comme une bête, on finit par en devenir une. Elle semblait d’ailleurs s’entendre davantage avec les animaux qu’avec les hommes, préférant les chants des oiseaux aux piaillements incessants de ses tuteurs. Dans son temps libre, on pouvait la surprendre régulièrement dans les étables, à converser avec les chevaux, pégases, wyverns et autres animaux de guerre auxquels elle s’identifiait tant. Le jeune noble lui offrit une éducation martiale, en commençant par tenter lui faire tenir un arc, une épée, une hache entre les mains. Rien à faire. Finalement, rien ne semblait lui convenir mieux que ses propres poings, son souffle et ses crocs. Au fil du temps, la gamine sauvage s’ouvrit petit à petit, absorbant les connaissances et les prouesses martiales au fil des jours.
Toute cette bienveillance était évidemment loin d’être totalement désintéressée – en effet, s’il finit par éprouver une affection bien réelle à l’égard de sa protégée, il cherchait avant tout à forger une arme à son service. Une arme prête à déployer lorsque le temps de la guerre sonnera ; une menace venue de l’Est : Almyra s’agitait, son désir de conquête tourné vers Fodlàn. Tôt ou tard, l’Alliance allait devoir leur faire face. La gamine avait du potentiel et il est toujours bon de compter un dragon dans ses alliés. Pour Astraia, devenir son épée était un moyen d'exprimer sa reconnaissance envers le jeune noble.
- Je l'ai pas fait exprès, Monsieur!
- Je sais.
La première crise l'avait prise par surprise et s'était retrouvée à griffer le Comte sans crier gare. Ecroulée, la gamine se cramponnait la poitrine, hurlant comme si on lui arrachait le cœur. Elle avait mal, si mal que son esprit embrumé par la douleur ne parvenait à discener l'ami de l'ennemi.
Néanmoins, une ombre vint tâcher ce plan si parfait ; suite aux expériences du mage noir, la laguz souffrait de terribles douleurs fantômes. Ce phénomène se produisait quelques soit sous forme humaine ou draconique, avec toujours cette sensation de brûler de l’intérieur, flanquée d’une irrépressible envie de détruire, de se défouler. Agressive, telle une bête acculée, elle peinait à se contrôler.
S’il était homme à être au four et au moulin du fait de ses fonctions au sein de la jeune Alliance, il essayait de passer du temps en sa compagnie, de s’évader de son quotidien rempli de doléances et de boniments. Il avait mis un point d’honneur à être présent si possible lorsque ces crises arrivaient pour l’aider; c'était là sa façon de se racheter auprès d'elle car après tout, sa famille n'était-elle pas responsable de son état? Ils cherchèrent ensemble des solutions, les exercices de respiration, la magie curative, les remèdes à base de plantes, etc. Sans jamais parvenir à soigner ce mal étrange.
La demoiselle était si reconnaissante envers le jeune Comte au point de le considérer comme le père qu’elle avait oublié. Une complicité naquit naturellement entre les deux êtres. La jeune fille t tenait à être présente aussi souvent que possible à ses côtés : elle était présente lorsqu’il prit officiellement le titre de Comte à la mort de son père et à la naissance de sa seule héritière. Elle tint également à être présente à ses côtés sur le champ de bataille lorsque Almyra entama sa marche conquérante sur Fodlàn.
L’Alliance de Leicester, mobilisée sous la bannière du Duc von Riegan, fut prompte à contenir les assauts ennemis, bientôt rejoint par l’armée impériale. Tout allait se jouer aux Gorges de Fodlàn. Tendue, Astraia observait les troupes ennemies au loin, cœur et poings serrés. C’était sa première guerre. Sa première bataille. Almyra était réputée pour son armée, comment ne pas trembler face à de tels adversaires ? Et pourtant, ils vinrent à bout de ce terrible jour ensemble, salement amochés mais néanmoins vivants.
Le premier jour d’une guerre à l’issu incertaine. Ce fut au terme d’une lutte féroce, qu’Almyra fini par s’incliner face au bouclier fodlien. Au dernier jour, elle le ramena du champ de bataille, avec ses ailes rougies par le sang pour remplacer la jambe qu’il avait perdu en la protégeant d’un assaillant. Au dernier jour de la guerre, à peine annonçait-on la retraite de l’ennemi, qu’éclatèrent les premières clameurs dans les rangs alliés. Elle était là, parmi eux, savourant la douce étreinte de la victoire malgré les blessures. Ce fut un grand jour pour l’Alliance. Non, pour le continent entier ! Cette victoire annonça les prémices d’une ère de paix relative entre les nations de Fodlàn et de la création de l’Académie des Officiers, érigée en symbole de cette coopération, Astraia assista fièrement à la cérémonie d’inauguration aux côtés du Comte Malcom, dissimulée sous une cape.
A chaque événement auquel il se retrouvait mêlé, elle était là, encore et toujours. La maison von Donalbain connaissait alors ses plus grandes heures au terme de la guerre, et elle, s’y retrouvait irrémédiablement associée. Eventuellement, son nom fut à jamais lié à celui du Comte Malcom, voire parfois du Duc Riegan selon les versions, tantôt confondue pour une simple monture, tantôt en tant que combattante à part entière. Bientôt, l’engouement suscités par les exploits militaires vint à se calmer et les réputations à se faire et défaire lors d’événements mondains. De ce « noble jeu », Astraia s’en retrouvait exclue par sa nature même de laguz et ce, pour son plus grand plaisir. C’était à Malcom et à sa famille de briller sous les feux de la rampe, elle, elle n’avait qu’à se contenter simplement de rester dans son ombre.
Une ombre soumise aux caprices du temps. Ecroulé sous le poids des années, le noble comte fit un malaise tandis qu’il l’observait exorciser sa douleur dans un bois voisin pour la énième fois – un vieux rituel entre eux. Paniquée, elle prit délicatement entre ses griffes le vieil homme – jamais elle ne lui avait paru aussi fragile. Ce corps… était-ce vraiment celui de son père ? La réalité de sa condition ne l’avait jamais frappé aussi durement qu’à cet instant précis, elle qui rentrait à peine dans l’âge adulte. Comment avait-elle pu être aveugle à ce point ? Certes, sa chevelure de jais avait éclairci avec les années, sa peau s’était recouverte de rides et sa démarche désormais marquée d’un son de canne. Volant à toute vitesse, la jeune fille parvint à quérir l’aide des médecins. Mais il était à court de temps. Un souffle, un murmure, un râle et l’homme n’était plus.
Sa fille aîné Ida – L'héritière des Donalbains qu’elle avait vu naître et grandir - reprit le titre de son père. En retrait comme à son habitude, Astraia l’observait, songeuse. Son esprit ressassait sans cesse ses dernières paroles encore et encore. Sur son lit de mort, le vieux comte s'était livré à quelques confessions.Si le mage avait agit de son propre chef à l'époque, il ne demeurait pas moins sous le patronage de la famille Donalbain. Comment réagir à pareil révélation ? Confuse, ses sentiments se baladaient à l’orée entre peine et colère. Que faire désormais ? Elle sentit la douleur revenir, obscurcissant son jugement. La jeune femme perdit le contrôle et rien ni personne ne pouvait l'apaiser.
Lorsqu'elle reprit connaissance, la demoiselle se trouvait une fois de plus enchaînée jusqu'au cou dans l'obscurité d'une geôle. Cela faisait si longtemps; même feu le comte évitait de l'enfermer là-dedans si possible, mais la jeune laguz comprenait parfaitement pourquoi Ida prenait ces précautions. La jeune noble vint d'ailleurs la voir, le regard brillant d'un triste éclat. Il n'est pas toujours évident de bannir sa plus vieille amie, mais les voix qui réclamaient son départ étaient bien trop fortes, bien trop nombreuses pour être ignorées cette fois-ci.
Désormais sur les routes, elle se heurta plus d’une fois au monde des hommes, à sa réalité, sa dureté. Une route parsemée de mauvaises et de belles rencontres.
Aujourd’hui encore, la dragonne blanche vagabonde en Fodlàn.